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Surfer Sur L'amour Chapitre Un

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Surfer Sur L

SURFER SUR L’AMOUR

CHAPITRE 1

« Papa, pourquoi n’as-tu jamais essayé de communiquer avec moi toutes ces années? demande Max.

― Pour ne pas abîmer la relation que tu as avec ton père adoptif. »

Hummm. S’il savait comment cela m’a manqué de ne pouvoir rien lui communiquer.

« Papa, pourquoi es-tu parti quand j’avais un an? demande Max.

― Parce que c’est ce que ta mère voulait. À ce moment là, elle ne voulait pas d’un père dans ses pattes. Elle voulait t’élever par elle-même. »

Haaaaa. S’il savait comment cela m’as été difficile de vivre sans être présent dans sa vie. L’histoire que je ne peux pas lui raconter. Préservation de l’image de sa mère, oblige. Pourquoi encore 12 ans plus tard suis-je encore buté sur les mêmes perceptions, mêmes sensations qui me font disjoncter?

« Max, tu sais ce qu’un jour ta sœur Roxanne, âgé de 2 ou 3 ans, m’a répondu lorsque je lui ai demandé pourquoi elle m’avait choisi comme père?

― Non? Répondit Max.

― J’étais assis au dessus des nuages, je pleurais, je pleurais, pis là je t’ai vu. C’est ce que Roxanne a répondu alors si jeune. Si tu crois que ce sont les enfants qui choisissent leurs deux parents, alors aujourd’hui je peux te poser la même question. Pourquoi m’as-tu choisi? »

Max prends un certain temps pour réfléchir et demeure silencieux.

« Papa, est-ce que c’est vrai que tu es fou? demande Max.

― Bipolaire. Trouble de l’humeur. C’est comme cela que les médecins en Amérique du Nord appellent cela. En 2001, en Californie, je commençais à devenir psychotique. Je ne dormais que quelques heures par nuit depuis plusieurs années d’affilées. Je suis alors devenu instable. »

Apprendre par les tests génétiques que j’étais le père de Max a fait l’effet d’une bombe en moi. Je savais que Carola, sa mère, ne voulait rien savoir d’un mec dans ses pattes de femme d’affaire sud américaine vivant à Santa Barbara depuis ses 21 ans. Je me doutais bien que je pouvais être le père de Max même pendant la grossesse où tous pensaient qu’un autre gars était son père. Le présumé père s’est même relocalisé depuis l’autre hémisphère un peu avant l’accouchement. Accouchement auquel lui et moi étions tous deux présents. Une fois Max arrivé, l’infirmière ne savait pas à qui donner le bracelet de père. Ce n’est qu’un an plus tard que Carola s’est décidée à être certaine du vrai père biologique. Le présumé père n’a pas apprécié les résultats des tests génétiques. Moi j’étais content, mais c’était le paradoxe total. Je devenais père une seconde fois sans pouvoir faire parti de la vie de mon enfant. S’était aussi dans le temps où la mère de Roxanne l’empêchait de me visiter depuis le Québec jusqu’à Santa Barbara. Sa mère jugeait que Roxanne ne pouvait plus manquer une ou deux semaines de maternelle par année. Je crois qu’elle me faisait ce coup bas plutôt pour m’emmerder. Cette convergence d’événement m’a fait basculé du côté psychotique. Je pleurais pratiquement toutes les nuits et pleurais aussi caché le jour dans les toilettes au bureau. Cela m’a pris 11 ans avant de m’en remettre vraiment.

« Mais tu n’as pas l’air fou? dit Max.

― Merci. C’est parce qu’il s’est écoulé beaucoup de temps et aussi parce que je prends des médicaments maintenant, répondis-je. »

J’essaie d’éviter de lui pousser la longue version.

« Mais maman disait que tu étais devenu loopy, dit Max.

― Oui. En 2000, je l’étais devenu par moment, répondis-je. Et entre 2000 et 2010, je dirais pratiquement la moitié du temps, parce que je n’ai pas pris de médicaments. »

En décembre 2000, lorsque que Max n’avait pas encore un an, il m’est arrivé une épisode où mon moteur de VW avait brûlé. C’était en plein désert sur l’autoroute 5 nord au croisement de la 99 allant sur Bakersfield. J’avais oublié de mettre de l’huile dans mon moteur, alors il avait sauté lorsque je m’étais immobilisé à une station service dans ce désert. Je suis resté coincé 5 jours parce que j’étais devenu psychotique ou loopy comme Max dit. Un terme que sa mère m’attribuait par moment lorsque je devenais trop volubile et un peu parano entre autre.

« Mais pourquoi ne prenais-tu pas tes médicaments? dit Max.

― Parce que les psychiatres et psychologues que je rencontrais ne me prescrivaient pas encore de médicaments, répondis-je. Ils pensaient plutôt que mon désordre psychologique provenait des situations que je vivais. Ce n’est qu’après une dizaine d’année que j’ai finalement été diagnostiqué. »

Enfin, rentré de force à l’hôpital près d’où je vivais à Montréal en 2010. Il m’ont quand même laissé sortir 3 semaines plus tard, le jour de ma fête. Bien gavé de pilule, j’en ai eu pour 2 ans à me sortir de cette torpeur provoquée par ces médicaments relaxant musculaire qu’il nous font prendre. J’ai dormi 15 à 20 heures par jour pendant au moins un an avant qu’ils ajustent mes médicaments.

« Loopy, ça veut dire quoi exactement ? demande Max.

― OK. Par exemple, la première fois que ça m’est arrivé, j’étais dans le désert en panne à une station service près de Bakersfield, mon moteur avait sauté, et j’y suis resté pris 5 jours.

― Raconte, dit Max.

― Ce sont tes grands-parents et ta mère qui m’ont sorti de cette impasse, répondis-je. Juste avant tout cela, un lundi matin mi-décembre chez Xerox au bureau, écoutant un petit groupe chanter des classiques de Noël, je me suis effondré en larme, continuai-je. Je sentais que je n’en pouvais plus émotivement. Je m’effondrais trop souvent en larme la nuit ou au bureau. J’ai alors décidé de partir, soit jusqu’à San Francisco, Lake Tahoe ou encore jusqu’au Canada, avec ma petite fourgonnette VW. J’ai ainsi pris l’autoroute 5 depuis Los Angeles vers le nord. Avant que mon moteur ne faille, sur la route, j’ai décidé de parler à voix haute, de m’adresser à Dieu directement, de tout lui raconter, de me confesser. Légèrement distrait de la route, j’oubliais parfois de mettre de l’essence, alors je tombais en panne le long de l’autoroute 5 nord. Les premières quelques pannes d’essences, je réussissais à rejoindre le triple A qui prenait une heure ou deux à venir me dépanner. Bien occupé à parler à voix haute directement à Dieu, j’attendais la remorque dans ma fourgonnette. Autoroute de transit entre Los Angeles et Sillicon Valley, une quantité incroyable de 18 roues le voyage. Chaque passage d’un 18 roues générait un vent phénoménale qui faisait vibrer toute ma petite fourgonnette et ainsi m’induisait une frousse intense. Ma confession s’en voyait altérée. Quand finalement, la dépanneuse routière du triple A arrivait, le chauffeur me donnait une tasse d’essence, juste assez pour me rendre à la prochaine station service. Considérant que, lorsque seul en conduisant, je parlais alors à voix haute m’adressant en continue à Dieu, il était pratiquement normal de manquer la prochaine station service et de retomber ainsi encore en panne d’essence. Après quelques épisodes similaires de dépannage comme celui-ci, c’est d’huile moteur que ma fourgonnette a manqué. Cette fois, implosant le moteur au moment d’immobiliser le véhicule à une station service près de Bakersfield. »

Je ne lui raconte pas comment ma fourgonnette était rendu aussi sensible et fragile que moi. Je ne savais pas alors que l’alternateur ne fonctionnait plus. La batterie du véhicule ne se rechargeait donc plus. Je cherchais ce problème électrique, mais ne comprenais pas. Allumer la radio ou les phares du véhicule étouffait aussitôt le moteur. La batterie était morte, mais cette fourgonnette vieille de 30 ans tenait encore le coup. J’ai ainsi roulé plusieurs centaines de kilomètres le jour la nuit sans phare ni radio. J’aurais dû aller chercher un garage pour la faire réparer. Ma confession avec Dieu me tenait vraiment très occupé.

« Mais pourquoi n’as-tu pas aussitôt téléphoné une fois arrivé à la station service ? demande Max.

― Je suis arrivé au bout de 3 jours à cette station service. Ça faisait donc environ 72 heures que je me confessais à Dieu, que je ne dormais presque pas, que je commençais à être terrorisé par ces passages de 18 roues qui m’empêchaient de dormir la nuit. C’était une épisode où je dérivais vers la folie, je n’étais plus beaucoup rationnel. Je voulais être indépendant de ta mère, je voulais m’en sortir seul. Mais la vérité c’est que j’avais grandement besoin d’elle. J’ai fini par l’appeler, mais seulement rendu 2 jours plus tard le vendredi. Ta mère avait alerté la police et il y avait une recherche sur moi depuis le lundi où j’avais quitté mon emploi chez Xerox. Les policiers m’avaient fréquemment interrogé pendant cette semaine, lorsque mon véhicule était stationné le long de l’autoroute ou encore lorsque je marchais le long de l’autoroute. Les policiers repartaient ensuite en me disant de faire attention. Une journée où je longeais l’autoroute avec un coran à la main, les policiers m’ont même fais une fouille pour savoir si j’avais une arme. Tu vois un peu le topo?

― Oui, je vois un peu, dit Max. N’y avait-il pas des personnes à la station service qui auraient pu t’aider?

― En effet, mais j’étais dans un état un peu parano, alors je ne faisais confiance à personne. Environ 2 ou 3 fois dans le dernier 48 heures à la station service, des personnes m’ont offert leur aide, car dans mon état je n’allais pas en demander. Les premiers m’ont offert de l’aide pour réparer mon moteur. J’avais plusieurs milliers de dollar en argent comptant dans les poches. Je faisais 150,000USD par an chez Xerox. Un moteur de VW ne coûtait que $1000USD ou moins. Je dormais dans ma fourgonnette depuis que j’avais commencé à bosser temps plein chez Xerox, aucun loyer à payer. L’argent n’était pas le problème, mais mon épisode parano m’empêchait d’obtempérer lorsque les personnes m’offraient leur aide. Je n’étais pas encore prêt. J’étais en plein milieu d’une méchante confession avec Dieu. Et, je voulais faire les bons choix pour me sortir de là moi-même. Tu sais Max, les nuits dans ce désert, je ne dormais presque pas. Je les passais à marcher pour ne pas geler dans ma fourgonnette. Parce que même si je viens du Québec, pays de la neige, je n’ai jamais autant gelé que les nuits dans ce désert. Mes os tremblaient tellement lorsque je me réveillais au milieu de la nuit que ça prenait une heure ou deux de marche avant que le tremblement s’arrête. Rendu au vendredi, j’ai abandonné et dit oui à une âme généreuse qui m’a conduit jusqu’à Bakersfield. Présence humaine de quelques heures qui m’a sorti du voyage à travers mon ego et fait que j’étais finalement capable d’appeler ta mère depuis Bakersfield, elle est venue m’y chercher. Ta mère, belle femme énergique, était une team player remarquable, je l’aimais beaucoup. »

Max est songeur. Il semble me suivre. Je suis volubile, mais je crois qu’il en a besoin. C’est la première fois qu’on se parle. Alors, j’imagine qu’il me pose les plus importantes questions, celles qui lui pèsent sur le cœur. Roxanne n’est pas avec nous pour l’instant. Je l’ai laissé à l’école de surf Santa Barbara Seals. Nous allons la rejoindre plus tard. Roxanne et moi allons passer un 2 semaines à surfer à Santa Barbara avec Max. Pour que Max puisse me poser les questions les plus brûlantes et qu’il se sente confortable, je reste seule avec lui pendant les premières heures de notre première rencontre.

«Max, ça te dit d’aller surfer?

― OK. Où veux-tu aller? demande Max.

― Sais-tu à quel angle se brisent les vagues sur Santa Barbara aujourd’hui?

― Oui, à peu près, je vais te dire, quelle pointe as-tu en tête?

― Un break sécuritaire avec fond sablonneux, petites vagues de 3 pieds, ça fait 15 ans que j’ai pas surfé tu sais?

― Allons voir Refugio sinon Sands, dit Max.

― Tu vises en plein dans le mille. Recommencer à surfer à 50 ans, il faut prendre son temps. Dans quelques jours, on fera Rincon et Malibu. »